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Algérie

L’Algérie persécute les chrétiens de Kabylie

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Aborder la question des persécutions contre les chrétiens en Kabylie n’est pas une tâche facile, car il s’agit d’une question complexe et délicate qui touche de multiples dimensions.

La dimension religieuse pose la délicate question de la liberté de culte dans un pays où la religion étatique est utilisée comme moyen de répression de la pensée progressive. Cependant les choses se corsent quand la dimension identitaire et linguistique se superpose à la dimension religieuse, car à la violation de la liberté de culte s’ajoute la violation de la liberté d’expression. Et là, c’est la double peine pour les kabyles chrétiens, un piège qui implacablement se referme sur eux, les soumettant à un apartheid qui ne dit pas son nom.

L’affaire Slimane Bouhafs témoigne de cette ségrégation institutionnelle sans précédent. Le World Watch Monitor (WWM) a rapporté le 9 août 2016 qu’un chrétien kabyle, Slimane Bouhafs, 49 ans, avait été condamné à une amende et à une peine de cinq ans – la peine maximale actuellement en vigueur en Algérie pour blasphème. Après avoir injustement purgé deux ans, il est libéré et demande asile en Tunisie, d’où il est enlevé pour réapparaître le 25 août devant les tribunaux d’Alger, où il fait face à des accusations non divulguées menant à trois ans de prison ferme. Le plus grave, c’est que son enlèvement “mystérieux” et son transfert à Alger ont été effectués au mépris des règles de son statut de réfugié politique.

La répression contre les évangélistes kabyles ne date pas d’hier. L’ordonnance du 28 février 2006, qui établit les conditions d’exercice des cultes «autres que musulmans», institutionnalise un véritable système de répression contre eux. Si l’esprit de l’ordonnance laisse penser que l’Algérie protège les cultes autres que musulmans, manifestant ainsi une relative ouverture pour la sauvegarde des intérêts de groupes minoritaires religieux, ce texte présente, cependant, en son sein, tout un arsenal visant à la paralysie, à l’obstruction et au contrôle des conversions. Il va même plus loin en criminalisant le prosélytisme évangélique entérinant une ségrégation qui enferme les chrétiens évangéliques dans un carcan juridique qui réduit leur condition à celle de citoyens de seconde zone. Ils se voient refuser l’accès à certains métiers, notamment ceux de la fonction publique. Cet apartheid d’État, qui au lieu de protéger les évangélistes kabyles en tant que minorité, les expose à l’arbitraire dans un pays où l’islam est religion d’État ainsi que de l’écrasante majorité de la population.

Aujourd’hui, les atteintes à la liberté de culte se font de plus en plus graves, les églises évangéliques sont pratiquement toutes mises sous scellés et un climat de délation s’installe, les chrétiens et en particulier les pasteurs sont surveillés de près. Les gens ne peuvent plus vivre librement leur foi, ne serait-ce qu’en privé.

L’ouverture apparente de l’ordonnance du 28 février 2006 est surtout destinée à envoyer un message fort à la communauté internationale qui systématiquement reproche à l’Algérie ses manquements au respect des droits des minorités religieuses sur son territoire. C’est encore dans cet esprit de faux semblant que le président Tebboune a accordé la nationalité algérienne à l’archevêque d’Alger, le père Jean-Paul Vesco. Ce deux poids deux mesures révèlent, par contraste, la ségrégation flagrante que subissent les évangélistes kabyles, car si les catholiques, qui sont souvent des européens, ne sont pas inquiétés dans leur foi, les protestants kabyles, eux voient systématiquement leurs églises fermer et se voient interdire la pratique de leur culte. Des cas de violence physique et verbale ont aussi été signalés et pour soi disant protéger les chrétiens de l’extrémisme religieux musulman, les autorités ont purement et simplement interdit la construction de nouvelles églises.

La politique algérienne, enveloppée de l’intérieur par une camisole de force idéologique autoritaire désuète, ne peut satisfaire les besoins existentiels de ses citoyens. C’est un pouvoir politique frileux qui envisage le religieux non en tant que phénomène spirituel personnel ou collectif, mais comme l’expression d’un discours politique et d’une option identitaire imposant, ainsi un équilibre artificiel dont personne ne veut. Quant aux convertis, ils s’inscrivent dans une quête d’absolu, de modernité et d’ouverture dans un monde où liberté d’expression et liberté de conscience sont dénuées de sens. Ce qui est dénié à ces évangélistes kabyles, c’est la liberté, un droit fondamental et inaliénable de naissance.

C’est pourquoi la Ligue Kabyle des Droits de l’Homme condamne ces graves persécutions qui, selon l’ONG « Portes ouvertes », n’ont fait qu’augmenter depuis 2016 et qui ont placé l’Algérie au 19ème au rang mondial des pays où la répression religieuse bat son plein.

Le 11/04/2023.

La Ligue Kabyle des Droits de l’Homme.

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